Rapport de Reykjavik

Chers amis,

Il se pourrait que les seules nouvelles que vous avez lues concernant la récente Assemblée générale de l’Association médicale mondiale (AMM) qui a eu lieu dernièrement en Islande concernaient le retrait de l’Association médicale canadienne de l’AMM.

Voici d’autres informations utiles provenant d’un groupe de médecins canadiens qui étaient présents en Islande.

Catherine Ferrier
Présidente

Membres associés canadiens à l’assemblée générale de l’Association médicale mondiale

Reykjavik, Islande, du 3 au 6 octobre 2018

Un certain nombre de médecins canadiens, préoccupés par la situation actuelle, sont devenus membres associés (* voir ci-dessous) de l’Association médicale mondiale (AMM) et ont assisté à l’Assemblée générale (AG) de l’AMM à Reykjavik, en Islande, en octobre 2018. Ce rapport informel résume certaines activités et expériences du groupe.

1. Nous avions décidé d’assister à l’Assemblée générale parce que nous souhaitions contribuer à la discussion d’un projet de résolution intitulé Proposition de révision par l’AMM de la déclaration sur l’euthanasie et l’aide médicale à mourir, qui devait être présentée au comité d’éthique de l’AMM par l’Association médicale canadienne (AMC) et la Royal Dutch Medical Association (KNMG). La révision était proposée en guise de remplacement de la Résolution de l’AMM sur l’euthanasie (2002), la Déclaration de l’AMM sur l’euthanasie (1987) et la Déclaration de l’AMM sur le suicide assisté par un médecin (1992, confirmée en 2015). La révision proposée visait à empêcher l’AMM de condamner l’euthanasie et le suicide assisté par un médecin (E/SA) pour la raison qu’ils sont contraires à l’éthique. La révision évitait d’employer l’expression suicide assisté par un médecin et utilisait plutôt les expressions mort assistée par un médecin ou mort assistée. Nous estimions que cette politique faciliterait la légalisation de l’E/SA dans le monde et l’implication des médecins dans ces interventions. Nous voulions que l’AMM maintienne son opposition à l’E/SA et voulions aussi encourager une approche affirmant la vie.

2. Des délégués de plus de 50 associations médicales nationales du monde entier étaient présents à cette Assemblée générale. Plusieurs participants, parmi les plus expérimentés, nous ont fourni de bons conseils concernant les procédures de l’AMM et la manière pour nous de participer véritablement aux débats. D’autres nous ont demandé des éclaircissements sur un article paru dans le World Medical Journal de septembre 2018, intitulé Euthanasia in Canada: a Cautionary Tale (L’euthanasie au Canada: une mise en garde), que certains d’entre nous avaient rédigé conjointement (des traductions en français et espagnol sont disponibles à l’adresse bit.ly/WMACanada). Nous l’avions écrit pour contrebalancer la vision optimiste de l’introduction de l’euthanasie et du suicide assisté au Canada que les représentants actuels de l’Association médicale canadienne (AMC) répandent de façon générale. Bien que le porte-parole de l’AMC à Reykjavik ait affirmé que notre article déformait les faits, de nombreux participants ont reconnu que les nombreuses références fournies leur permettraient d’avoir accès à des sources primaires et de tirer leurs propres conclusions sur notre analyse de la situation canadienne.

3. Lors de la réunion des membres associés, une résolution a été proposée visant à renforcer la cohérence entre les politiques de l’AMM et celles de ses associations médicales nationales. Notre groupe a fait valoir que deux paragraphes de cette politique affaibliraient le rôle de l’AMM en tant que promoteur des plus hautes normes possibles de comportement éthique médical, dans la mesure où l’AMM devrait « s’adapter » aux politiques des associations nationales incompatibles avec les politiques de l’AMM. Notre motion visant à supprimer les paragraphes problématiques a été adoptée.

4. Lors de cette assemblée générale, des représentants des associations médicales allemande, nigérienne, japonaise et brésilienne ont présenté des rapports de synthèse sur les récentes réunions régionales de l’AMM, tous opposés à la participation de médecins à l’E/SA. Ces consultations sur l’E/SA menées par l’AMM ont clairement mis en évidence la ferme opposition persistante de la plupart des pays membres à ces interventions. C’est peut-être pour cette raison que la proposition AMC / KNMG a été retirée avec un court préavis avant la réunion du Comité d’éthique à Reykjavik. Elle a été remplacée par un document de compromis, présenté par l’Association médicale allemande, affirmant l’opposition de l’AMM à l’E/SA mais évitant complètement l’emploi de l’expression « contraire à l’éthique » et remplaçant l’expression « suicide assisté par un médecin » par « mort assistée par un médecin ». Pendant le reste de la réunion, on vit clairement que de nombreux membres de l’AMM s’inquiètent sérieusement de ces changements potentiels. Certains ont réitéré que l’AMM avait été fondée, en grande partie, pour réfuter l’idée selon laquelle légaliser un acte en fait un acte éthique. Le document de compromis qui a été proposé sera étudié dans les mois qui viennent par tous les délégués et leurs avis écrits seront examinés lors de la réunion de l’AMM au Chili en avril 2019.

5. Vers la fin de l’Assemblée générale, à la surprise de tout le monde, la délégation de l’AMC a accusé le nouveau président de l’AMM, le Dr Leonid Eidelman, de plagiat dans son discours d’inauguration et a proposé que l’AMM demande sa démission. Cette proposition a échoué, n’ayant été appuyée par aucun autre délégué. Par la suite, l’AMC a annoncé qu’elle se retirait de l’AMM. Le Dr Eidelman s’est expliqué et excusé auprès du Conseil et de l’Assemblée générale de l’AMM et ses excuses ont été acceptées.

Sheila Rutledge Harding, MD, MA, FRCPC
Crossmount, Saskatchewan
smr.harding@gmail.com

14 octobre 2018

* Tout médecin ou étudiant en médecine peut devenir membre associé, sur demande adressée à l’AMM: https://www.wma.net/fr/inscription/. Les membres associés sont informés des documents en train d’être examinés, ont la possibilité de faire des commentaires et peuvent assister aux réunions de l’AMM pour exprimer leurs opinions.

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