Il y a à peine trois ans, nous n’aurions jamais pensé que la mort médicalement administrée serait un traitement de fin de vie normal au Canada.
Bien sûr que non, puisque l’opinion publique en faveur de l’euthanasie réside dans l’affirmation de l’autonomie personnelle. L’aide médicale à mourir (AMM) devait être une option exceptionnelle : choisir la mort avec l’aide de médecins volontaires. L’enjeu était politique et non médical. Qui aurait pu suggérer qu’il existe vraiment des indications médicales pour l’euthanasie? Il n’y a jamais eu de discussion sérieuse au sein du corps médical canadien afin de savoir si nous pouvons vraiment classer l’euthanasie comme un « soin médical ».
Aujourd’hui, au Canada, il existe deux options à la fin de la vie : l’AMM, ou les soins palliatifs. Il peut sembler que le choix du patient est respecté, mais il n’en est rien.
Premièrement, ces options sont présentées comme deux voies médicales équivalentes, ce qu’elles ne sont pas. De fait, l’euthanasie a été « médicalisée » afin de contourner les lois sur l’homicide, d’abord par le gouvernement provincial québécois, qui n’avait pas le pouvoir juridique de changer le Code criminel.
De l’autre côté, les soins palliatifs sont la meilleure pratique médicale pour soulager tous les symptômes, lorsque les traitements ne sont plus efficaces, mais peuvent aussi accompagner des soins curatifs. Depuis le 20e siècle, l’approche palliative est le fruit d’une longue expérience scientifique, médicale et humaine, qui continue d’évoluer, permettant de toujours mieux contrôler tous les symptômes, et englobant tous les besoins du patient. De toute évidence, une option est médicale, l’autre non.
Deuxièmement, ce choix est présenté de façon malhonnête, à la façon d’un agent d’immeuble qui serait discret au sujet des propriétés qui répondent vraiment aux besoins de ses clients, et mettrait de l’avant la seule propriété à prix avantageux, dont il voudrait se débarrasser rapidement. De même pour l’euthanasie, ce choix est moins coûteux et peut même être planifié pour être plus efficace.
La vaste majorité des personnes préfèrent vivre jusqu’au dernier moment, entourés de soins adéquats. Ils choisiront de vrais soins médicaux plutôt que la mort immédiate par injection létale, si, bien sûr, ils en ont le choix. Ce qui nous amène au problème crucial de la disponibilité des ressources.
Les médecins en soins palliatifs au Québec ont souligné récemment que depuis la Loi concernant les soins de fin de vie, le volet AMM, l’aide médicale à mourir, est appliqué, promu et documenté, alors que le volet des soins palliatifs est étonnamment négligé et en lacune de données probantes. De fait, les soins palliatifs ont beaucoup souffert des politiques du Ministère de la Santé ces deux dernières années. Pourtant, l’art des soins palliatifs a progressé sans cesse depuis quarante ans, et leur valeur est bien reconnue. Mais dès lors que nous avons une autre solution moins coûteuse et plus efficace pour la fin de vie, pourquoi promouvoir et payer davantage pour des soins palliatifs?
La même question se pose au sujet de l’aide aux personnes avec un handicap, qui veulent demeurer à la maison. Roger Foley, de London, Ontario, souffrant d’ataxie cérébelleuse, est présentement hospitalisé et refuse son congé. Les lacunes et erreurs de ses soins à domicile, financés par l’État, l’ont conduit à l’urgence plus d’une fois, et il refuse d’être repris en charge par la même agence. Il poursuit en justice le gouvernement et réclame de pouvoir gérer lui-même ses soins à domicile, payés par l’État.
Cette option lui est présentement refusée, à cause de contraintes budgétaires. Cette situation n’est pas inhabituelle, mais maintenant, elle est différente du passé, parce qu’il existe un autre « choix ».
Monsieur Foley, qui n’est pas un malade en phase terminale, s’est fait offrir trois choix : 1) retourner à son domicile avec les mêmes soins; 2) payer 1800$ par jour pour demeurer à l’hôpital; 3) choisir l’aide médicale à mourir. Le système de soins publics n’a plus d’obligation envers des patients comme celui-ci : nous avons une option thérapeutique avec un succès de 100% : l’AMM.
La mort est promue comme un choix libre et un traitement. Maintenant qu’elle est disponible, les administrateurs la favoriseront plutôt que de répondre au désir de la majorité : de bons soins jusqu’à la fin de leurs jours. Bientôt, aurons-nous même encore le « choix »?
L’euthanasie nous a été présentée comme la seule alternative aux souffrances intolérables…maintenant, peut-être que la souffrance intolérable deviendra la seule alternative à l’euthanasie!
En tant que citoyens, patients et payeurs de taxes, nous devons exiger ce que la majorité d’entre nous désirent : de vrais soins médicaux. En tant que professionnels de la santé, nous devons continuer d’offrir ces soins avec détermination, peu importe les circonstances et les contraintes.
Rendons l’euthanasie impensable.