La conscience et les médecins canadiens

Depuis la légalisation de l’euthanasie, il y a un an, nous voyons qu’il y a une forte pression politique pour normaliser sa pratique au Canada. Pourtant, beaucoup de médecins s’opposent toujours à cette pratique. Nombre d’entre eux désireraient qu’elle soit rigoureusement restreinte. Et plusieurs, pour des raisons de conscience, personnelle ou professionnelle, refusent catégoriquement d’y collaborer.

Malheureusement, nos politicien(ne)s ne nous permettent aucun doute quant à leur intention d’ignorer le jugement des médecins dissidents, et d’étouffer leur opposition. Or, les pires de ces politiciens semblent se trouver parmi les rangs de notre propre profession.

Considérons, à titre d’exemple, la nouvelle politique (2015), du College of Physicians and Surgeons of Ontario, au sujet du « Droit de Conscience » de ses membres.

Cette politique est identifiée comme étant une simple mis à jour révisée, mais en réalité elle s’apparent peu à la version précédente (2008).

Et la raison en est évidente : sans jamais parler franchement de l’euthanasie, du suicide assisté, ou même de l’aide médicale à mourir, cette nouvelle politique fut, dès le départ, façonnée pour faciliter une redéfinition radicale, à la manière Orwellienne, de « l’euthanasie », de l’homicide en soin médical. Cela oblige, effectivement, tous les médecins ontariens à participer au programme d’euthanasie.

De manière pratique :

« Dans le cas où des médecins ne voudraient pas fournir certains soins pour des raisons de conscience ou de religion, ces derniers sont tenus de référer le patient à un autre fournisseur de soins. »

Bien-sûr, on voit, ici, l’obstacle principal à la collaboration de nombreux docteurs qui considèrent le fait d’orienter leurs patients vers d’autres agences de mort  comme étant aussi horrible que de pratiquer eux-mêmes l’acte d’euthanasier.

Cependant, le problème éthique ne s’arrête pas à  l’obligation de référer le patient à d’autres ressources. Il y a également le « devoir d’informer » :

« Les médecins doivent fournir de l’information à propos de toutes les options cliniques qui peuvent être disponibles ou appropriés pour répondre aux besoins cliniques du patient ou à ses préoccupations ».

« Les médecins ne doivent pas retenir de l’information au sujet d’une procédure ou d’un traitement pour des raisons de conflit avec leur conscience ou leur croyance religieuse ».

Prenez bien note des italiques ajoutés : apparemment, le médecin se trouverait dans l’obligation d’informer ses patients de toutes les options légalement disponibles, même si elles s’avèrent inappropriées ! Et cette obligation aurait préséance sur toute conviction morale ou professionnelle du médecin.

L’aspect impératif de ce “devoir d’informer” dépasse même celui du « devoir de référer”. Dans chaque cas où les critères associés à l’euthanasie seraient satisfaits, il y aurait obligation de soumettre le patient aux terribles stress et doutes soulevés par le constat, ainsi imposé, qu’il fait partie du groupe select de personnes pour lesquelles l’euthanasie est devenue praticable. Aucune objection de jugement, aucune objection de conscience, ne pourrait excuser le médecin du devoir de livrer ce message effroyable, avec la suggestion implicite qu’il véhicule.

En Ontario, donc, par proclamation du CPSO, le rôle du médecin serait réduit à celui d’une machine distributrice automatique qui afficherait les options d’euthanasie mandatés par l’état, et qui offrirait passivement de boutons correspondants que le patient puisse actionner.

Évidemment, la force et l’étendu d’un telle politique sont extraordinaires. Le jugement professionnel est la fondation de la pratique médicale. Le « Droit de Conscience » est à la base de tout notre système de démocratie séculaire. Tous les deux sont écartés. Nous devons réellement nous trouver devant une situation de crise colossale pour justifier de telles mesures draconiennes !

Mais voilà. Il n’existe aucune urgence semblable.

Rappelons-nous que le programme original d’euthanasie nous fut vendu comme la réponse impérative au sort de ce patient hypothétique, au seuil de la mort et affligé de souffrances, à la fois, insoutenables et intraitables. Rappelons aussi, comment ce cas extrême, que dis-je, ce cas virtuellement mythique, fut exploité pour nous acheminer doucement vers tous ces morts, sans rapport, que nous devons craindre actuellement. Encore, de nouveau, une stratégie similaire se poursuit. Cette fois, le besoin absolu, pour tous les médecins, de faire la promotion de l’euthanasie (en tout temps et auprès de leurs patients les plus vulnérables), nous est présenté comme le prix nécessaire pour pallier à la possibilité hypothétique qu’un seul patient puisse être frustré dans son désir de mourir.

On nous demande de croire que n’importe quel fardeau réel, qu’il soit financier, professionnel ou moral, serait justifié quand il est question de faciliter une seule mort volontaire et idéalisée. Ce serait un genre d’inversion grotesque de la proposition voulant que « aucun prix n’est trop élevé, pourvu qu’un seul enfant puisse vivre… », qui devient dans la discussion actuelle : « pourvu qu’une seule personne puisse mourir… »

D’autres juridictions, pas moins respectables que l’Ontario, ont épousé des principes tout à fait opposés. Et il n’existe aucune évidence que quiconque aurait souffert, ou souffrira ultérieurement.

Le Manitoba élabore actuellement une loi qui reconnaitrait explicitement le droit de non-participation et de non-orientation des patients vers l’euthanasie pour les médecins, ainsi que pour les autres professionnels de la santé. Deux des principaux hôpitaux de Winnipeg ont signalé leur refus de permettre l’euthanasie dans leur établissement.

Dans l’État de Vermont, une bataille judiciaire autour des mêmes principes s’est soldée, dernièrement, par une victoire complète des droits des médecins.

Et en Ontario, un groupe de médecins, dévoués et courageux, a récemment engagé une action à ce sujet contre le CPSO; les arguments furent écoutés Juin 13-15, 2017.

Ce jugement sera rendu plus tard dans l’année. Nous espérons que la cour tranchera, cette fois, du bon côté !

Mais nonobstant la nature de ce jugement, le temps qu’il faudra, la dépense; nonobstant les efforts législatifs qui peuvent être éventuellement exigés : Cette politique autoritaire du College of Physicians and Surgeons of Ontario n’est ni nécessaire, ni justifiée. Elle n’est pas désirable. Elle n’est même pas raisonnablement défendable. Elle est extrême. Elle est irrationnelle. Surtout, elle serait profondément préjudiciable pour les médecins,  leurs patients, et tout le système médical. Elle représente une injustice et une honte qui ne peuvent être acceptées.

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