Concevoir des environnements sécuritaires
Si certains peuvent penser que l’approche canadienne face à l’euthanasie est la seule ou la meilleure, regardons ce qui se passe chez notre plus proche voisin.
Le Conseil chargés des affaires éthiques et juridiques de l’American Medical Association (Council on Ethical and Juridicial affairs), lorsque sollicité par une délégation de l’Oregon à prendre une approche neutre envers « l’aide médicale à mourir », a répondu en réaffirmant les déclarations très claires de son Code d’éthique concernant l’euthanasie et le suicide assisté: (traductions de nous)
Le suicide assisté est fondamentalement incompatible avec le rôle du médecin en tant que guérisseur; il serait difficile ou impossible à contrôler, et poserait de graves risques sociétaux. Plutôt que de s’engager dans le suicide assisté, les médecins doivent répondre de façon énergique aux besoins de leurs patients en fin de vie.
L’euthanasie est fondamentalement incompatible avec le rôle du médecin en tant que guérisseur; elle serait difficile ou impossible à contrôler, et poserait de graves risques sociétaux. L’euthanasie pourrait facilement être étendue aux patients incompétents et à d’autres groupes vulnérables.
L’implication des médecins dans l’euthanasie souligne encore davantage sa nature éthique prohibitive. Le médecin qui administre l’euthanasie assume lui-même la responsabilité de terminer la vie d’un patient. Plutôt que de s’engager dans l’euthanasie, les médecins doivent répondre de façon énergique aux besoins de leurs patients en fin de vie.
Ce document bien réfléchi et respectueux du Conseil, écrit après consultations des membres et une révision extensive de la littérature, souligne que «les arguments mis de l’avant aujourd’hui en faveur ou en opposition au suicide assisté ou à « l’aide médicale à mourir » sont essentiellement les mêmes que ceux qui sont examinés dans le rapport du Council on Ethical and Juridicial affairs (CEJA) en 1991. »
En d’autres mots, les principes éthiques fondamentaux ne changent pas avec le temps.
L’American Medical Association réaffirme sa position en dépit des huit juridictions américaines qui ont légalisé le suicide assisté. Cette position contraste avec l’approche de l’Association médicale canadienne qui, avant même que le jugement Carter soit rendu, s’empressait de réclamer sa place à la table où serait écrite la loi permettant l’euthanasie. Le docteur Jeff Blackmer fut cité avec ces paroles : « Que vous soyez ou non d’accord avec ceci, je pense qu’en tant que médecin, vous voulez quand même que votre association soit à la table de discussions lorsqu’elles auront lieu. »
Était-ce vraiment la seule option? Est-ce que l’institution médicale ne pouvait pas plutôt s’opposer fermement à la Cour lui dictant l’envergure de sa pratique? Et puis, la Cour a-t-elle vraiment dicté quelque chose? Le jugement Carter déclare simplement que l’euthanasie et le suicide assisté ne sont plus des actes criminels; il ne requiert pas, de nous médecins, de les assumer en tant que profession. Alors, pourquoi cet empressement à se jeter tête première pour en assurer le service?
La situation présente est-elle meilleure que si les médecins avaient défendu en bloc le code d’éthique millénaire prohibant de causer la mort de ses patients? Au contraire : des patients sont tués en nombres imprévus et les médecins sont sous pression de collaborer à leur mort. Le Canada est maintenant parmi la petite minorité de pays qui euthanasie ses malades, en dépit du fait que l’immense majorité des patients canadiens veut vivre, non pas mourir, et que très peu de médecins veulent être impliqués dans l’euthanasie, sans compter les infirmiers et tout le personnel soignant qui pourraient être complices contre leur gré dans la mort délibérée d’un être humain.
Qu’aurait-on pu faire- en effet, que peut-on faire- pour protéger cette vaste majorité de patients et de professionnels? Comment pouvons-nous procurer l’assurance et la sécurité de soins hippocratiques centrés sur la vie, en dépit de lois qui servent à satisfaire une infime minorité suicidaire?
Dans nos Bulletins récents, nous avons suggéré trois façons de procurer cette protection :
1) La certification individuelle des professionnels qui administrent l’euthanasie (médecins et infirmiers)
afin de contenir le mieux possible la détresse morale causée par la participation à de tels actes.
2) La séparation physique des lieux où se pratiquent l’euthanasie des lieux où se pratiquent une médecine normale, afin d’éviter à la majorité non-suicidaires des patients le stress terrible et le doute de savoir que les professionnels mêmes dont ils dépendent tuent des patients, comme eux, dans des lits voisins.
3) Afin de maximiser les bénéfices des numéros 1) et 2) : L’identification publique des cliniques, résidences,
Maisons de soins palliatifs et hôpitaux où l’euthanasie est formellement exclue.
Le lobby pro-euthanasie a su manipuler le pouvoir des médias et des Cours pour obtenir ce qu’il voulait, et la profession médicale chancelle encore sous le coup. Au Collectif, nous entendons régulièrement des nouvelles de médecins qui ont été pressurisés ou piégés à collaborer avec le nouveau dogmatisme.
Nous interpelons le leadership médical afin qu’il écoute la majorité et qu’il assure la sécurité des patients et des professionnels canadiens. S’il ne le fait pas, il faudra travailler de la base, en tant que médecins individuels et à travers des institutions et organisations de soins, à concevoir des milieux sécuritaires pour notre pratique, notre municipalité, notre province. Beaucoup de torts ont déjà été faits, qui ne se renverseront pas du jour au lendemain. Mais le plus vite nous commençons, le mieux ce sera.
Rendons l’euthanasie impensable.