Protéger la liberté de conscience des médecins pour protéger les patients

Pour le Collectif des médecins contre l’euthanasie, il est particulièrement important dans le contexte actuel de garantir le droit des médecins, non seulement à refuser de poser eux-mêmes des actes d’euthanasie, mais aussi à refuser de devenir des exécutants dans une chaîne menant à ces actes, s’ils les jugent préjudiciables tant aux patients concernés directement qu’aux populations vulnérables.

D’une part, le fait d’une contribution indirecte plutôt que directe ne règlerait pas le problème de conscience d’un médecin pour qui l’euthanasie est inacceptable.  Le Dr Catherine Ferrier, présidente du Collectif, indiquait récemment au Globe and Mail qu’elle n’accepterait jamais de référer un patient à un collègue en vue d’une euthanasie.  «Essentiellement, vous envoyez quelqu’un à sa mort», résumait-elle.
 
D’autre part, l’obligation de transmettre une demande de mort, prévue au Québec dans la Loi concernant les soins de fin de vie (Loi 52), compromet le droit du médecin à sa liberté de jugement dans l’exercice de sa profession. Il se peut que l’observation clinique du médecin ne concorde pas avec le jugement du patient sur l’intensité et le caractère irrémédiable de sa souffrance, critères d’éligibilité à «l’aide médicale à mourir» dans la loi 52 et dans le récent jugement de la Cour suprême dans l’affaire Carter. Le patient ne peut pas alors légitimement forcer le médecin à donner suite à ses volontés. Un tel rapport de force grugerait le précieux espace de concertation médecin-malade nécessaire à une bonne pratique médicale, comme le faisait valoir le Dr Patrick Vinay en conférence au printemps dernier.

Nous sommes heureux de constater que notre position est celle de l’Association médicale canadienne : aucun médecin canadien ne devrait être forcé à jouer quelque rôle que ce soit dans la mise à mort d’un patient, affirmait récemment le président de l’AMC, Chris Simpson. Et pour lui, ce droit à l’objection de conscience inclut celui de refuser de transmettre la demande de mort d’un patient à un collègue.

«Nous ne pouvons tout simplement pas accepter qu’un système force les médecins à aller contre leur conscience personnelle sur un sujet aussi profond», indique le Dr Chris Simpson dans une récente entrevue  au National Post.

Plusieurs médecins opposés à l’euthanasie considèrent que le seul fait de transmettre la requête de mort de leur patient à un confrère prêt à y répondre est déjà «contraire à leurs principes moraux ou à leurs croyances religieuses», ajoute Dr Simpson.   

Rappelons que lors de l’Assemblée annuelle de l’Association médicale canadienne en août 2014,  une résolution soutenant le droit des médecins de suivre leur conscience dans les cas de demandes de suicide assisté  ou d’euthanasie a été adoptée par 91% de ceux qui ont voté.

Dans son jugement du 6 février dernier dans l’affaire Carter, la Cour suprême considère  que sa déclaration d’invalidité de l’interdiction du suicide assisté ne contraint pas les médecins «à dispenser une aide médicale à mourir».   Mais elle est moins claire sur la question de la transmission obligatoire ou non des requêtes de mort. «La réponse législative ou réglementaire au présent jugement devra concilier les droits garantis par la Charte aux patients et aux médecins», écrit-elle.

Dans ce contexte, il est essentiel pour nous de défendre la liberté de conscience des médecins dans son intégralité.

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