L’euthanasie en Belgique: de la loi au programme

L’évolution des pratiques d’euthanasie en Belgique est un cas typique de pente glissante et ce sera pareil au Québec si la loi 52 y est implantée, prédit le médecin belge Georges Casteur, membre du conseil de la Société belge d’éthique et de morale médicale. 

À l’invitation du Collectif de médecins contre l’euthanasie, le Dr Casteur a donné le 8 juin dernier à Montréal une conférence que vous pouvez visionner ici, sur l’expérience de 11 ans d’euthanasie en Belgique et les conclusions qu’en tirent de nombreux médecins. Il y repère notamment les ressemblances et les différences entre les lois belge et québécoise.  

Dr Casteur dit que depuis la légalisation de l’euthanasie en 2002, son pays est  passé d’une loi qui l’autorise à un programme qui la favorise. Il en veut pour preuve l’information que les hôpitaux doivent  transmettre systématiquement aux patients concernant la disponibilité de l’euthanasie (une disposition qui figure aussi dans la loi 52) et la formation de médecins spécialisés dans ce domaine. Le rôle de ces médecins est de conseiller leurs confrères et souvent, dit Dr Casteur, ils procèdent eux-mêmes aux actes d’euthanasie. 

Dr Casteur s’indigne aussi de la rémunération (150 euros) associée au deuxième avis «indépendant» que tout médecin belge doit obtenir avant de procéder à une euthanasie. Dans la pratique, le deuxième médecin est un confrère du même hôpital ou un assistant. L’euthanasie elle-même serait concrètement en voie d’être rémunérée au même titre qu’un acte médical. 

Quant à la commission de contrôle chargée d’examiner les cas suspects, Dr Casteur la décrit comme une «supercherie». L’exemple le plus frappant fait l’objet d’une première poursuite: une femme de 64 ans en santé, Lieve de Troyer, avait demandé l’euthanasie, déprimée par une rupture amoureuse et par l’absence de contacts avec ses enfants. Le médecin qui l’a euthanasiée, sans avoir pris contact préalablement avec ses enfants, n’est nul autre que le président de la Commission belge de contrôle de l’euthanasie, le Dr Wim Distelmans. C’est le fils de la défunte, Tom Mortier, qui porte plainte. Les membres de la commission sont tous partisans de la loi en vigueur et pratiquent eux-mêmes des euthanasies. De plus, ces examinateurs n’ont pas accès aux données identificatoires des patients, ce qui permet aux médecins auteurs d’euthanasie de présenter les situations de manière rassurante.

Initialement limitée aux cas de phases terminales, la loi belge s’est considérablement élargie sur une dizaine d’années seulement, selon une logique inévitable qui prévaudra aussi au Québec, dit Dr Casteur: si l’euthanasie est légitime parce qu’elle soulage la souffrance, comment l’accorder à un patient à qui il reste 24 heures à vivre et la refuser à un autre à qui il reste des années à souffrir ?  

Un patient de 30 ans présentant une sclérose en plaques débutante, des personnes atteintes d’un début d’Alzheimer, une femme de 40 ans insatisfaite de son changement de sexe et de nombreux conjoints souhaitant partir ensemble ont ainsi pu être euthanasiés en Belgique, explique Dr Casteur. Il dénonce la complaisance surprenante des éditoriaux et l’absence de toute intervention de la justice en réponse à ces événements. 

Le nombre annuel d’euthanasies en Belgique est passé de 200 en 2003 à 1816 en 2013. Selon le Dr Casteur, il est très difficile de démontrer que les décisions derrière ces décès ont été prises en l’absence de pressions de l’entourage, du médecin ou de l’institution, dans une société qui en est venue à favoriser le choix euthanasique. 

Le Dr Casteur a été directeur de l’IMBO (hôpital de revalidation locomotrice et neurologique à Ostende) de 1976 à 2012 et président du conseil de l’Ordre des médecins de Flandre occidentale de 2000 à 2003.  

Interventions du Dr Patrick Vinay et de Me Michel Racicot

Le Dr Casteur a prononcé sa conférence dans le cadre d’un symposium où sont aussi intervenus Dr Patrick Vinay et Me Michel Racicot, figures de proue du mouvement québécois contre la loi 52. 

Dr Vinay a dénoncé le vocabulaire «flou et fallacieux» qui a grandement facilité l’adoption de la loi en empêchant les Québécois de prendre conscience que la légalisation d’homicides était en jeu. Il a notamment débusqué le lien pernicieux établi par la nouvelle loi entre dignité et autonomie, véritable menace pour les plus faibles et pour les personnes handicapées. Son intervention a repris les grands points de son excellente conférence du 9 avril au CHUM, résumée plus tôt sur ce blogue (article du 15 avril).

Me Racicot a pour sa part souligné le caractère trompeur des déclarations martelées par l’ex-ministre Véronique Hivon au long du débat sur le projet de loi. Elle a répété maintes fois que l’«aide médicale à mourir» ne serait permise que dans des cas exceptionnels.Or rien dans la nouvelle loi 52 ne parle de situations exceptionnelles. «Au contraire, avec des critères très semblables, la Belgique a banalisé l’euthanasie», fait valoir Me Racicot. 

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