Cher Dr. Couillard,

Nous vous félicitons pour votre victoire lors de l’élection du 7 avril. Cependant, nous nous sentons obligés d’exprimer notre profonde déception, et celle de nombreux collègues médecins et autres citoyens du Québec, concernant votre annonce, dès le lendemain de l’élection, que vous aviez l’intention de réintroduire le Projet de loi 52, y compris ses dispositions sur l’aide médicale à mourir.

Sachant qu’en octobre 2013 vous aviez exprimé de sérieuses réserves concernant les dispositions du Projet de loi 52 portant sur l’aide médicale à mourir, nous sommes stupéfaits de votre volte-face sur cette grave question. Il est impossible de légaliser l’euthanasie sans mettre à risque de nombreux patients vulnérables, comme nous l’enseigne clairement l’expérience en Belgique et dans d’autres pays. Le Projet de loi 52, avec ou sans amendements, va même encore plus loin que la loi belge; il définit cet homicide médical comme un soin de santé and exige qu’il soit offert à tous les patients qui satisfont aux critères très permissifs prévus au projet de loi. En tant que médecin, vous êtes conscient du déséquilibre qui existe au niveau du pouvoir entre nos patients et nous, et comment les patients peuvent être manipulés pour donner un consentement même par des professionnels de la santé bien intentionnés.

Les promoteurs du Projet de loi 52 n’ont pas été honnêtes ni avec les autres membres de l’Assemblée nationale ni avec la population du Québec. Le soi-disant consensus sur ce sujet est une fabrication fondée sur une désinformation et une manipulation des faits. La majorité des citoyens et des professionnels de la santé qui ont présenté des mémoires à la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité 2010-11 était opposée à la légalisation de l’euthanasie, mais le Rapport de la Commission l’a néanmoins recommandée. Le fait que la très grande majorité des médecins de soins palliatifs s’oppose à l’euthanasie a été systématiquement ignoré par la Commission et le gouvernement précédent. La population, qui semble réclamer un soi-disant droit de mourir dans la dignité, est largement inconsciente du fait qu’on lui propose un geste d’homicide et que des soins palliatifs de qualité et une bonne gestion des décisions de fin de vie sont suffisants pour soulager les craintes qui les amènent à faire cette demande.

D’un point de vue juridique et politique, il est clair que le Québec n’a pas compétence pour légaliser l’euthanasie – un acte interdit par le Code criminel du Canada – et que les dispositions du projet de loi à cet égard seront contestées devant les tribunaux (ce qui provoquera une confrontation avec le gouvernement fédéral) et seront ultimement déclarées illégales. Nous vous incitons à examiner les opinions juridiques de votre ministère de la justice sur cette question et à les publier comme vous avez promis de le faire pour celles qui concernent la validité des dispositions de la Charte de la laïcité (Projet de loi 60).

Nous vous demandons une rencontre à votre plus prochaine convenance pour discuter de cette question. Nous réalisons fort bien qu’en début de mandat de nombreux sujets méritent votre attention urgente, mais votre annonce concernant l’adoption prochaine du Projet de loi 52 confère à cette question une priorité de premier ordre.

Sincèrement,

Balfour Mount MD, OC, OQ, FRCSC Professeur émérite de médecine Eric M. Flanders, Université McGill.

Serge Daneault MD, M.Sc., Ph.D., C.S.P.Q. , Chef de soins palliatifs, Centre hospitalier de l’Université de Montréal

Collectif des médecins contre l’euthanasie http://www.refusmedical.blogspot.ca/ 625 médecins, appuyés par 12 334 citoyens

Sondage Ipsos, Septembre 2013: Seulement 33% des répondants québécois interprètent l’aide médicale à mourircomme étant la demande par le patient d’une injection létale faite par un médecin. 29% croient qu’il s’agit de soulager des symptômes à travers les soins palliatifs. 38% des sondés l’associent à l’interruption de l’acharnement thérapeutique ou au suicide assisté.

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