Dans une décision rendue hier le 1er décembre, la Cour supérieure du Québec rappelle à l’ordre le gouvernement québécois qui a tenté de faire reconnaître « l’aide médicale à mourir » comme un soin médical alors que dans les faits, comme le souligne la Cour, il s’agit bel et bien d’euthanasier des êtres humains.
En conséquence, elle déclare inopérants tous les articles de la Loi visant l’aide médicale à mourir qui devaient entrer en vigueur le 10 décembre prochain jusqu’à la prise d’effet de la Déclaration d’invalidité des articles 14 et 241b) du Code criminel prononcée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter.
Comme le dit la Cour, « le fait d’affubler l’aide au suicide et l’euthanasie d’un être humain d’un autre qualificatif, voire même d’un euphémisme, à savoir l’Aide médicale à mourir, ne pouvait avoir pour effet de soustraire automatiquement de l’application d’une loi fédérale un geste ou un acte spécifiquement prohibé par les articles 14 et 241b) du Code criminel et de conférer aussitôt une compétence au Québec en matière d’Aide médicale à mourir sous le prétexte qu’il s’agissait dès lors d’un soin de santé qui allait s’inscrire dans le continuum des autres soins de santé prodigués au patient. » (au parag. 122). La Cour rappelle que dans l’arrêt Carter, « la Cour suprême n’a pas indiqué que l’aide au suicide constituait dans certains cas un soin médical… » (au parag. 129).
Et plus loin, la Cour poursuit « …d’ajouter le mot médicale à l’expression aide à mourir ne peut à lui seul avoir pour effet de mettre à l’abri des dispositions législatives provinciales incompatibles avec la législation fédérale en matière criminelle, compétence conférée exclusivement au parlement fédéral par la Constitution. » (au parag. 139). Et la Cour déclare que de la perspective du patient, il ne peut demander l’aide médicale à mourir sans violer l’article 14 du Code criminel et, du point de vue du médecin qui administre l’aide médicale à mourir, il peut être déclaré coupable d’un acte criminel et le simple refus du médecin d’offrir l’aide médicale à mourir est insuffisant puisqu’il a l’obligation en vertu de transférer la demande en vue d’assurer sa réalisation (aux parag. 146, 147, 152).
Et la Cour ajoute finalement des mots très cinglants quant à la position adoptée par le Gouvernement du Québec : « Nier cette incompatibilité flagrante, c’est nier l’évidence même » (au parag, 167). La Cour rappelle que le Québec a participé à l’audience dans l’affaire Carter, et que la Cour suprême n’a pas retenu la position du Québec selon laquelle « la compétence provinciale en matière de santé exclut la compétence du Parlement fédéral de légiférer sur l’aide médicale à mourir. » (au parag.170 citant le parag. 53 de la décision Carter)
Il s’agit également de la première décision d’un tribunal qui corrige cette manipulation de langage qui a été sciemment commise par le gouvernement du Québec dans le but de soustraire son programme euthanasique contenu dans la Loi sur les soins de fin de vie (la « Loi ») du contexte de droit criminel qui doit s’appliquer partout au Canada.
La Cour donne ainsi raison au Docteur Paul Saba et la Coalition des médecins pour une justice sociale, à Vivre dans la Dignité, au Collectif des médecins contre l’euthanasie ainsi qu’à l’immense majorité des médecins de soins palliatifs qui ont toujours soutenu publiquement que « l’aide médicale à mourir » était un euphémisme pour pouvoir légaliser l’euthanasie.
Par cette clarification de la Cour supérieure du Québec, on ne peut plus prétexter l’obligation de dispenser des “soins médicaux” pour forcer les médecins du Québec à participer, directement ou indirectement, à l’euthanasie d’êtres humains, tel que le prévoyait la Loi qui devaient entrer en vigueur le 10 décembre prochain.
La Procureure générale du Canada a d’ailleurs manifestée « son inquiétude face aux dispositions de l’article 31 de la Loi [québécoise] qui imposent aux médecins qui ne voudraient pas accéder à une demande d’Aide médicale à mourir de participer, malgré leur objection, au processus visant à trouver un autre médecin volontaire consentant ».
Dans les prochains mois, le gouvernement canadien devra donc procéder avec prudence et sérénité à la réécriture de sa loi pour tenir compte des conditions d’exceptions mentionnées dans la décision Carter, tout en maintenant ses responsabilité de protection contre l’homicide, de prévention du suicide et du maintien de la qualité de la médecine au Canada.
Plutôt que de chercher à imposer leurs vues comme le gouvernement québécois a tenté de le faire, les provinces doivent respecter le cadre juridique canadien et satisfaire aux critères de protection de la population qui y seront codifiées et ce, dans un esprit de coopération et de bonne entente.
Vivre dans la dignité et le Collectif des médecins contre l’euthanasie continueront de promouvoir la protection de la vie humaine, la qualité et la disponibilité de bons soins médicaux pour tous, et la reconnaissance de la dignité de tous les citoyens et les citoyennes de notre pays jusqu’à leur mort naturelle.