Montréal, le 21 juin 2016 – Avec l’adoption du projet de loi C-14 vendredi dernier, l’euthanasie et le suicide assisté sont maintenant légalisés partout au Canada. Nous ne pouvons pas encore saisir tous les défis auxquels la profession médicale sera confrontée dans les mois et les années à venir.
Dans notre travail au cours des dernières années, en essayant d’empêcher les lois québécoises et canadiennes sur l’euthanasie, nous avons rencontré des centaines de médecins qui partagent notre incrédulité devant le fait que les gouvernements au Canada pouvaient même envisager de promouvoir la mort comme une solution à la souffrance. Nous ne sommes pas un groupe minuscule de réactionnaires comme certains voudraient vous le faire croire. Nous sommes beaucoup plus nombreux que vous le pensez.
Il y a toujours eu des gens qui veulent mourir. En médecine, nous disons qu’ils sont suicidaires, et notre travail consiste à les aider à rester en vie et à surmonter cette envie de mourir. La plupart y parviennent et sont heureux d’être vivants. Aujourd’hui, certains médecins tuent des gens suicidaires au lieu de les aider à vivre. Incroyable. Il n’y a pas de différence entre une personne qui est suicidaire à cause de la douleur, d’un handicap ou d’une maladie terminale, et celle qui est suicidaire pour d’autres raisons.
La population se fait dire que la majorité des Canadiens veulent que l’euthanasie soit légale. C’est faux. La plupart des gens ne savent même pas ce que signifie « aide médicale à mourir ». Ils pensent que cela fait référence aux soins de confort en fin de vie, ou au retrait de traitement. Ils ne savent pas que cela signifie d’être tué par un médecin.
Ce que les gens veulent vraiment, c’est de ne pas souffrir davantage que ce qu’ils peuvent supporter; de ne pas être seul avec leur souffrance; d’être traités avec respect; d’avoir accès aux soins de santé dont ils ont besoin, spécialement les soins palliatifs; et de rester dans leur propre maison quand ils vieillissent ou s’ils développent un handicap. Pourquoi ne répondons-nous pas mieux à ces besoins?
Vendredi dernier, le gouvernement du Canada a choisi la mort comme une solution à la souffrance. Malgré les avertissements en provenance d’autres pays (>>). Malgré les dangers pour sa propre population. Malgré le fait que les gens seront amenés à la demander par peur, par solitude, par culpabilité, ou par la contrainte des autres. Même la Cour suprême a reconnu qu’il existe des risques inhérents à une telle loi, et que les balises peuvent uniquement les « limiter » (Carter, par. 105, 114 et 117 >>) – et ils ne seront certainement pas limités par les supposées balises de la loi fédérale.
La façon dont la profession médicale va relever ce défi nous revient. Certes, nous pourrions abdiquer devant la nouvelle tendance en répondant «oui» à la personne qui veut mourir, ou la diriger vers quelqu’un d’autre si nous n’avons pas le cran de le faire nous-mêmes.
Ou nous pouvons prendre soin de cette personne. Sérieusement. Au-delà de ce qui est exigé de nous, en écoutant plus attentivement, en cherchant des solutions créatives.
L’euthanasie, c’est une fausse solution bon marché. Et peut-être que ce n’est pas facile maintenant, mais cela deviendra facile si nous nous habituons. Alors il ne faut pas s’y habituer, jamais. L’Histoire nous jugera. Une génération viendra et regardera la nôtre avec horreur et avec la même incrédulité que nous pour avoir adopté cette supposée nouvelle solution à la souffrance.
De nombreux médecins au Canada vont résister à toute obligation de tuer les patients ou de les référer pour être tués. Nous serons toujours là pour les gens qui demandent notre aide. Nous ferons appel à des collègues si nous manquons de connaissances ou de ressources pour résoudre un problème. Et quand nous aurons faits tout ce que nous pouvons, si notre patient dit encore: « Docteur, je veux être tué », alors et seulement alors, nous pourrons dire: « Je suis désolé, ce n’est pas ce que je fais. Je vais faire tout ce qui est possible pour vous sauf cela. Si vous voulez être tué, vous devrez trouver quelqu’un d’autre ».
Il y a des forces qui tenteront de nous contraindre à nous conformer. Certaines font même partie de notre propre profession. Notre force réside dans le nombre: nous sommes les médecins qui sommes toujours en harmonie avec l’éthique médicale à travers les siècles et à travers le monde.
Nous ne vous tuerons pas. Nous prendrons soin de vous. Quel genre de médecin préféreriez-vous avoir?