Communiqué de presse: Législation concernant l’aide médicale à mourir

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Montréal le 27 janvier, 2020

Le Collectif des médecins contre l’euthanasie souhaite exprimer son étonnement devant l’inconscience du gouvernement du Québec face à la réalité vécue par les personnes malades, vulnérables et souffrantes dans notre société mais qui ne sont pas nécessairement en fin de vie.

Rappelons que dans une décision rendue le 11 septembre dernier dans la cause Truchon et Gladu, la Cour supérieure du Québec a déclaré inopérant le critère de « fin de vie » et son pendant fédéral « mort naturelle raisonnablement prévisible » comme condition d’accessibilité à l’aide médicale à mourir.

Le 21 janvier 2020, les ministres McCann et LeBel ont annoncé qu’au Québec, après le 11 mars 2020, le critère de fin de vie ne sera plus nécessaire pour donner accès à l’aide médicale à mourir à toute personne majeure et apte qui respecte les autres conditions d’accès à l’aide médicale à mourir : être atteint d’une maladie grave et incurable, avoir une situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités et éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge tolérables. Ces conditions étant largement ouvertes à l’interprétation subjective du patient, un grand nombre de personnes malades et malheureuses seront dorénavant éligibles à faire terminer leur vie par un médecin.

Ce changement fondamental se ferait sans aucune modification à la Loi concernant les soins de fin de vie, sans l’approbation de l’Assemblée nationale alors que des débats sur plusieurs années avaient mené à l’adoption du critère de fin de vie comme condition essentielle, et sans qu’aucune autre balise ne soit proposée pour protéger les personnes vulnérables. Il se ferait sans consultation publique à part une possible consultation « d’au moins une journée » au sujet des personnes souffrant de maladies mentales, annoncée tardivement par la ministre McCann à la suite des réactions vives des partis d’opposition.

Serait-ce de l’inconscience de ce gouvernement ou l’abdication de ses responsabilités ? Pourquoi, encore une fois, une telle précipitation à agir sans avoir réfléchi sérieusement aux conséquences irréversibles de ce changement tout en choisissant d’ignorer les signaux d’alarme lancés par les personnes handicapées, le groupe qui est principalement visé par ce changement ?

Ce revirement radical aurait lieu dans un contexte de manque de ressources médicales, psychiatriques et sociales nécessaires et de manque d’accès à de simples mesures d’appoint pour permettre une vie autonome avec un handicap.

Qu’allons-nous faire ?

Comment allons-nous assurer des soins psychiatriques à toutes les personnes souffrant de maladies mentales, pour que leur pensée suicidaire n’aboutisse pas à une demande d’aide médicale à mourir ?

Qu’allons-nous faire pour les jeunes handicapés qui demandent l’aide médicale à mourir pour raisons de pauvreté, de manque de logement et d’emploi, ou parce qu’ils sont obligés de vivre en CHSLD ?

Qu’allons-nous faire pour le jeune sportif dont la vie bascule à la suite d’un accident grave, et qui demande à mourir sans prendre le temps de s’ajuster à sa condition comme le font, avec le temps, la plupart de ses pairs ?

Qu’allons-nous faire pour les personnes souffrantes de douleur chronique, qui doivent attendre deux ans pour un rendez-vous dans une clinique spécialisée de la douleur, qui sans doute pourra les aider ?

Qu’allons-nous faire pour les personnes âgées qui vivent une grande solitude au point de vouloir mourir ? Ils ont toujours plusieurs diagnostics à invoquer pour faire la demande, sans que cela soit la vraie raison…

Qu’allons-nous faire pour les patients « difficiles » qui fréquentent les urgences et les cliniques parce que personne n’a encore trouvé de solution à leur mal, pour toutes sortes de raisons ?

Tandis que le gouvernement fédéral questionne les experts et la population sur les grandes précautions à prendre si une personne qui n’est pas en fin de vie demande l’aide médicale à mourir, le gouvernement du Québec avance allègrement vers un terrain miné et inconnu, où plusieurs malades qui auraient pu vivre longtemps avec de bons soins risquent de demander la mort.

Le Collectif des médecins contre l’euthanasie demande donc au gouvernement du Québec d’ajouter à la loi des balises sérieuses afin d’offrir une protection à toutes les personnes pour qui il sera dorénavant plus facile d’avoir recours à l’aide médical à mourir qu’avoir accès au soutien nécessaire pour vivre.

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