Affaire Truchon-Gladu: Réaction au jugement de la Cour supérieure du Québec et appel à l’action

Chers membres et amis du Collectif des médecins contre l’euthanasie,

Comme vous le savez probablement déjà, la Cour supérieure du Québec, dans une décision rendue le 11 septembre dernier, a invalidé les critères de fin de vie et de mort naturelle raisonnablement prévisible comme conditions d’accès à « l’aide médicale à mourir » (AMM) au Québec et au Canada. Nous déplorons ce jugement qui aura des conséquences néfastes pour les personnes les plus vulnérables et affectera directement la mission de nos institutions de santé.

De manière assez sommaire, le tribunal (au paragraphe 555 de la décision) en vient à la conclusion que la restriction de l’accès à l’AMM aux seules personnes en fin de vie, ou dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, n’a pas pour objectifs l’affirmation de la valeur inhérente et de l’égalité de chaque vie humaine et la prévention du suicide, malgré des énoncés contraires dans le Préambule de la loi fédérale et dans les documents qui ont précédé l’adoption de la loi québécoise.

Depuis la publication du Rapport de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale sur la question du droit de mourir dans la dignité (« RCSMD ») en mars 2012, jusqu’à l’Adoption de la loi québécoise en juin 2014 et de la loi fédérale en juin 2016, nos élus, entre autres Mme Hivon et Dr Barrette au Québec et Mme Wilson-Raybould au fédéral, ont rassuré la population en confirmant que l’AMM ne serait pratiquée qu’en fin de vie ou à des personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Ils assuraient également qu’il n’y aurait pas de dérapage, car ces lois comportaient un encadrement très strict opérant un équilibre entre l’expression de l’autonomie de la personne et la protection des personnes vulnérables et de la population en général. Or, ces assurances qui ont permis l’adoption des deux lois sont rejetées par le tribunal dans sa décision.

De nombreux groupes de défense des personnes vulnérables ainsi que le Collège des médecins du Québec se sont prononcés en faveur de ces critères avant l’adoption des deux lois.

Pourquoi un critère de fin de vie ? Parce que la souffrance liée au handicap, à la maladie ou à la détresse psychologique n’est pas une fatalité. Une vie digne et riche est possible avec et après la souffrance, et beaucoup de gens sont ici aujourd’hui pour le montrer. La dépression et le désespoir après un accident ou un diagnostic terrible peuvent être affrontés et traités, et dans la plupart des cas la vie continue, quoique d’une manière nouvelle. L’invalidation du critère de fin de vie envoie à toutes les personnes « vulnérables » un triste message qui mine leur espoir.

En l’absence de lignes directrices strictes et mesurables, la souffrance présente, perçue ou présumée deviendra un motif suffisant pour demander et recevoir l’euthanasie à tout moment de la vie sans soins médicaux et autres soins appropriés. Au lieu de prévenir le suicide, on en fera la promotion. Comment pouvons-nous, en tant que société, offrir la mort aux personnes handicapées, alors que nous n’avons pas réussi à leur fournir des soins médicaux adéquats, des soins à domicile et un accès au logement, au transport et à l’emploi ? Il y a déjà eu des cas au Canada où des personnes handicapées se sont vu offrir une  » aide médicale à mourir  » en raison de leur handicap, sans même en avoir fait la demande. Tout élargissement de l’accès à l’AMM ne fera qu’aggraver la situation.

Que faire maintenant? Le respect de la démocratie et du bien commun exige que ce jugement soit porté en appel avant le 11 octobre, date limite pour demander à la Cour d’appel du Québec de renverser cette décision.  

Nous invitons tous nosmembres et amis à écrire à leur député(e) provincial et aux candidats dans l’élection fédérale, afin de demander que la décision de la Cour supérieure du Québec soit portée en appel, et d’exprimer leur refus de l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir. Vous trouverez ci-dessous un exemple de marche à suivre.

Les députés doivent respecter leur promesse : l’aide médicale à mourir est une mesure exceptionnelle. Elle doit le demeurer. 

Solidairement,

Catherine Ferrier MD,
Présidente

MARCHE À SUIVRE :

1. Trouver votre circonscription et noter l’adresse courriel de votre député(e) provincial et fédéral.

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2. Rédigez un message court et respectueux basé sur votre expérience personnelle ou professionnelle. Vous voudrez peut-être utiliser certains des points suivants :

  • Inquiétude par rapport au jugement de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Truchon et Gladu qui invalide le critère de fin de vie de la Loi concernant les soins de fin de vie et de mort naturelle raisonnablement prévisible de la Loi sur l’aide médicale à mourir.
  • Promesse du gouvernement de protéger les personnes vulnérables et les personnes souffrant d’un handicap à l’aide de balises strictes.
  • Demande de porter en appel le jugement de la Cour supérieure au nom de la démocratie et du bien commun.
  • Déjà plusieurs dizaines d’abus et de contraventions aux différentes balises entourant l’aide médicale à mourir.
  • Faire tomber certains critères comporte des risques graves. Les exemples de la Belgique et des Pays-Bas nous le rappellent, où les dérives sont nombreuses et constantes (un membre de la Commission de surveillance belge a même démissionné récemment).
  • Depuis la Loi concernant les soins de fin de vie, les Québécoises et Québécois ont le droit d’avoir accès à des soins palliatifs de qualité.  Or peu a été fait pour mettre en œuvre ce pan de la loi.
  • En tant que citoyen de votre circonscription, je vous demande de prendre position contre toute expansion de l’aide médicale à mourir et de travailler pour répondre aux besoins de tous ceux qui ont un handicap ou une maladie chronique ou terminale.

Salutations et signature.

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