Les médecins canadiens se prononcent majoritairement contre l’euthanasie

Les médecins membres de l’Association médicale canadienne se sont majoritairement prononcés contre l’euthanasie lors de consultations menées à l’hiver et au printemps. Ils ont en même temps souligné le caractère inadéquat des services de soins palliatifs au Canada.

C’est ce que rapporte l’Association dans un rapport intitulé Les soins de fin de vie, un dialogue national, rendu public en juillet.

L’AMC a tenu plusieurs assemblées dans différentes régions du Canada et créé un site Web afin de permettre à ses membres de se prononcer sur différentes questions liées aux soins de fin de vie. Chacune des assemblées a réuni de 20 à 70 membres tandis que 1200 se sont inscrits sur le site. Aucune consultation n’a eu lieu au Québec étant donné la récente commission qui y a été tenue.

«Dans l’ensemble, en majorité, les membres de l’AMC ayant pris part aux dialogues en personne ou en ligne ont dit souhaiter que l’AMC maintienne sa politique actuelle, c’est-à-dire que l’association s’oppose à la participation des médecins à l’euthanasie et à l’aide médicale au suicide», résume le rapport. Il précise toutefois qu’une «minorité importante» prône la révision de la politique de l’AMC pour qu’elle appuie «une certaine forme d’aide médicale au suicide au Canada».

Parmi les 151 répondants à un sondage en ligne sur l’euthanasie et l’aide au suicide, 71,5% se sont prononcés contre et 25,8% pour; 2,6% se sont dits indécis.

Les médecins opposés à une légalisation ont invoqué l’incidence négative de l’option euthanasique sur la confiance patient-médecin, l’incompatibilité entre le rôle de soignant et l’acte de mettre fin à la vie, l’effet de «pente glissante» qui mettrait en danger les populations vulnérables, et la menace d’une utilisation de l’euthanasie pour réaliser des économies dans le système de santé.

Les médecins favorables à un changement de position de l’AMC ont plaidé pour le «respect de l’autonomie des patients»; ils ont soutenu que l’«aide médicale à mourir» est une forme de soin, que les soins palliatifs ne peuvent pas soulager «certaines formes de souffrance» et qu’une réglementation stricte pourrait prévenir l’élargissement des pratiques d’euthanasie.

Consensus sur la nécessité de meilleurs soins palliatifs

Un consensus s’est par ailleurs dégagé sur la nécessité d’adopter une stratégie nationale en soins palliatifs et de mobiliser des ressources pour assurer sa réussite, notamment en associant à ces soins une rémunération suffisante.

En ligne et aux assemblées, les membres ont évoqué des services de soins palliatifs «inadéquats» au Canada et se sont inquiétés du lien «fondamental» entre l’état de ces services et les demandes d’euthanasie. Des médecins ont fait état d’un manque de services à l’extérieur des grands centres urbains, de la formation insuffisante des médecins de famille et autres soignants et d’un problème de rémunération.

On peut trouver dans le rapport plusieurs commentaires de médecins allant dans des sens différents. En voici quelques-uns sur l’expérience d’autres pays :

  • «Peu importe la rigidité des protocoles et des présumées mesures de protection, les études sur les pratiques d’aide médicale en Hollande et en Belgique montrent que les gens ne les respectent pas. Une étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne (juin 2010) a révélé que 32% des euthanasies de la région flamande de Belgique ont été pratiquées sans avoir été demandées de façon explicite. Une méta-analyse publiée dans The Lancet (11 juillet 2012) sur l’euthanasie et les pratiques de soins de fin de vie aux Pays-Bas a révélé qu’en 2010, 23% des décès par euthanasie n’ont pas été déclarés.»
  • «La Belgique a légalisé l’euthanasie il y a maintenant environ 10 ans, et une loi passée cette année va vraisemblablement permettre d’euthanasier des enfants. Si c’est ce qui nous attend après seulement 10 ans, alors non merci. C’est la preuve qu’il s’agit d’une pente glissante. Que dire de plus ?»
  • «La Belgique a montré la voie à ne pas suivre. Nous sommes des légions de médecins et de non-médecins qui se tiendraient serrés, coude à coude, pour empêcher que nous nous engagions sur une telle pente glissante.»
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